Psychose dans l’institution – Prolonger les lignes du jeu de go

«Institution » est un terme issu de l’anthropologie. En dehors de cette discipline, ce concept semble se dégrader et perdre de son tranchant, refoulé sous des habits de bon sens. Le même mot s’emploie pour désigner une clinique psychiatrique, le mariage, le Parlement ou le métier de psychologue. La confusion est rapide entre l’établissement (ses murs, ses figures, son décor, etc.) et l’institution (qui est toujours le nom d’un processus, pris dans une histoire, une organisation structurée et structurante, tissée d’enjeux administratifs, juridiques, symboliques, imaginaires, pulsionnels, toujours un montage qui repose principalement sur des faits de langage). La société méditerranéenne qui nous a fourni le mot – les Romains de l’Antiquité – l’employait pour désigner quelque chose de plus fondamental encore : l’institution de la vie (vitam instituere)¹.

Les Baruyas de Papouasie-Nouvelle Guinée instituent la vie eux aussi, suivant d’autres systèmes de ritualités finement décrits par Maurice Godelier². Que l’on pense simplement à la pratique consistant à accoler au mammifère humain un signifiant dès sa naissance qui lui servira de prénom. Un autre lui servira de nom de famille, signifiant fondamental à partir duquel une généalogie se dessine et par lequel les contours de l’interdit de l’inceste et de l’endogamie excessive se précisent. La chose peut sembler d’une banalité infinie, mais il suffit de rencontrer des humains aux prises avec la psychose pour comprendre que cette institution du nom ne va pas de soi, qu’elle n’est pas garantie³.