Réflexions hospitalières
N°622 Janvier - Février 2025
Patients en obligation de soins : aménager l’espace d’une loyauté mutuelle
La crainte qu’inspirent les personnes condamnées par la justice, relayée par des images médiatiques anxiogènes, représente un obstacle considérable
à leur réintégration sociale. Cette crainte gagne à être surmontée. Pour le psychothérapeute, recevoir des patients en « obligation de soins » ne va pas pour autant de soi. Bien que cette mesure légale représente une opportunité dont peuvent se ressaisir certaines personnes, elle contraint à mobiliser des ressources éthiques agissant comme des gages de loyauté mutuelle.
12/02/25
L’obligation de soins impose à une personne « de se soumettre à une ou des mesures d’examen médical, de traitement ou de soins1 ». La mise en œuvre de cette mesure légale est peu encadrée par la loi : elle est prononcée par un magistrat qui en apprécie lui-même l’opportunité à tout moment d’une procédure2. L’obligation de soins apparaît de ce fait comme un dispositif plus souple que l’injonction de soins3, qui est prononcée à l’issue d’une peine (on parle de mesure post-sentencielle) sur expertise psychiatrique obligatoire, et dont la mise en œuvre reste supervisée par un médecin coordonnateur en lien avec le juge. Dans le cas de l’obligation de soins, il n’existe aucune articulation formalisée entre les secteurs de la justice et de la santé. La personne qui en fait l’objet est libre de choisir le médecin ou la structure d’accueil au sein de laquelle elle sera suivie. Seule la délivrance d’attestations par ledit médecin ou structure témoigne du respect de l’obligation. De façon typique, cette mesure légale est appliquée aux auteurs d’actes de violence (en particulier conjugales), aux personnes toxicodépendantes, consommatrices de produits psychoactifs illicites ou addictes à des conduites à risque. Grâce aux attestations délivrées en règle générale sur une base mensuelle, le suivi est contrôlé par les magistrats, en lien avec les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Remarquons-le pourtant, la liberté de choisir sa structure d’accueil peut, dans le cas où une psycho-thérapie est requise, présenter de lourds inconvénients pour la personne concernée : afin de respecter son obligation de soins, cette personne devra trouver par elle-même un psychothérapeute, souvent en optant pour un suivi dans un cadre privé étant donné les files d’attente dans les institutions publiques. Aussi faudra-t-il que la personne suivie finance ses séances sur ses propres deniers. En d’autres mots, par une sorte d’externalisation du soin, le sous-investissement chronique dans les structures publiques contraint au recours à des praticiens libéraux. Or, soit par crainte et ignorance, soit par inexpérience et difficulté à proposer un cadre adapté, nombre d’entre eux sont réticents à recevoir des personnes ayant eu affaire à la justice : c’est précisément des enjeux spécifiques à cette question que nous souhaitons ici parler.
Article réservé aux abonnés
Envie d’un accès illimité à tout le contenu ?
Abonnez-vous pour accéder à tous les contenus en ligne et recevoir un numéro du magazine papier tous les deux mois.
