Grand Angle

le patient au cœur de la santé

N°621 Novembre - Décembre 2024

Démocratie sanitaire – Mouvements des patients, genèse et dynamique

La démocratie sanitaire ou en santé connaît un développement institutionnel sans précédent depuis la publication, en pleine pandémie de Covid, par la Haute Autorité de santé, d’un référentiel faisant de la prise en compte de l’expérience patient une condition de la certification des établissements de santé1. Cabinets de conseils, consultants et équipes dédiées à « l’expérience patients » se sont mobilisés au sein des établissements hospitaliers pour se conformer à cette nouvelle exigence administrative. Sur le terrain et au sein des établissements, le foisonnement des initiatives portées par les malades eux-mêmes ou les professionnels bénéficient à toutes les parties prenantes et contribuent à l’amélioration de la qualité du soin.

Lucile Sergent Sociologue, docteurante au laboratoire Ht2S, Conservatoire national des arts et métiers (Cnam)
Mégane lauffenburger Université des patients, Sorbonne Université, docteurante au laboratoire Foap, Cnam
Catherine tourette-turgis Professeure émérite, fondatrice de l’Université des patients, Sorbonne Université, Foap, Cnam
Chaire de philosophie à l’hôpital


16/12/24

Là participation des malades à leurs par-cours de soin et de rétablissement existe depuis bien avant la « révolution » légis-lative Kouchner : lorsqu’un besoin est identifié et qu’il n’existe aucun dispositif permettant d’y répondre efficacement, les patients mobilisent leurs propres compétences et s’unissent pour y faire face.

C’est dans les contextes de faiblesse des réponses médicales et d’une volonté de rupture avec les prises en charge caritatives et moralisatrices que les malades se réunissent et inventent des dispositifs d’entraide. Si la littérature retient souvent la date de 1935, naissance du mouvement des Alcooliques anonymes aux États-Unis, comme genèse des mou-vements de malades, on note des collectifs apparus dès la fin du Moyen Âge 2, comme les confédérations d’aveugles, ainsi que des innovations locales, notam-ment en ce qui concerne les pathologies considérées alors comme « fléaux sociaux » telles que la syphilis, l’alcoolisme ou la tuberculose. À la fin du XIXe siècle, le mouvement prend de l’ampleur avec la création des premières associations nationales de malades atteints par la tuberculose 3.

En 1935, aux États-Unis, le dispositif des Alcooliques anonymes marque une rupture et connaît une grande diffusion, y compris à l’international 4, en raison notamment de sa proximité avec des réseaux évan-géliques, socialisés à des pratiques de diffusion. Né de la rencontre et de l’échange d’expérience entre deux personnes alcoolo-dépendantes, le dis-positif constate les effets bénéfiques de l’entraide comme facteur de rétablissement sans aucune intervention extérieure 5. Ce dispositif entre pairs apparaît à un moment où les pathologies de l’ad-diction connaissent une forte vague de répression et de responsabilisation pénale. Ces mouvements d’entraide et d’auto-organisation des malades sont encore très présents dans les espaces où la méde-cine rencontre des difficultés concernant la prise en charge holistique des troubles addictifs (alcool, drogues, troubles alimentaires).

Les mouvements d’auto-organisation de collectifs usagers, apparus en réaction contre des parcours cliniques incertains, des errances thérapeutiques dangereuses, des représentations sociales négatives et de hauts degrés de stigmatisation ou de discri-mination (cancer, sida, hémophilie, myopathies) se sont également constitués en associations et se sont engagés dans la construction de plaidoyers à destination des pouvoirs publics.


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