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100 ANS AU COEUR DE LA SANTÉ

N°619 Juillet - Août 2024

1975-2006 – Le projet de soins accompagne le projet de vie

Cette période est riche en bouleversements, avec la séparation des deux secteurs, le sanitaire et le médico-social, en 1975, la fin du prix de journée en 1983, l’avènement de la tarification à l’activité en 2004, l’émergence du programme de médicalisation des systèmes d’information PMSI dans les années 80, ou encore la mise en place des 35 heures à l’hôpital. Le droit des patients se renforce progressivement, avec notamment la loi dite « Kouchner » du 4 mars 2002, et l’instauration du système qualité d’accréditation, puis de certification.


14/08/24

1975

Le 30 juin sont promulguées la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées et la loi relative aux institutions sociales et médicosociales. À partir de ces textes, les secteurs sanitaire et médico-social sont désormais nettement différenciés.

1983

La loi du 19 janvier (décret d’application du 11 août) instaure un nouveau système de financement des hôpitaux, la dotation globale de fonctionnement, qui se substitue au système de prix de journée.
VOIR CI-CONTRE « LE FINANCEMENT DE L’HÔPITAL PUBLIC, DES PRIX DE JOURNÉE À LA T2A »

1987

La loi du 24 juillet organise les établissements hospitaliers en services. Cette même loi institue une plus grande participation des médecins à la gestion de l’hôpital. La commission consultative médicale, créée par la loi de 1941, devient la commission médicale d’établissement (CME).

1989

Les débats qui animent Hôpital Expo (précurseur de SantExpo) témoignent d’une humanisation de l’hôpital qui devient un lieu d’existence où le projet de soins accompagne le projet de vie. Le ministère chargé de la santé rend obligatoire le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), description synthétique et standardisée de l’activité médicale.

Le financement de l’hôpital public :

des prix de journée à la T2A Jusqu’en 1983, l’hôpital était financé par le prix de journée. Ce système était devenu incompatible avec la lutte contre l’inflation, la dégradation des comptes publics et la nécessité de réduire les durées de séjour hospitalier du fait des progrès techniques et médicaux. La loi du 19 janvier 1983 a institué le budget global (dotation annuelle de fonctionnement). La FHF et les principaux responsables hospitaliers ont demandé et obtenu que l’on substituât à ce système un financement qui tienne compte de l’activité médicale constatée de chaque établissement. La tarification à l’activité, dite « T2A », introduite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, consiste à facturer à l’assurance maladie le coût d’un séjour hospitalier correspondant au traitement d’un patient atteint d’une pathologie donnée, sur la base d’un tarif national fixé par l’État.

Préquelle à la T2A : le PMSI et la création du système d’information hospitalier

Le chantier avait commencé dès le début des années 1980 avec la création du programme de médicalisation du système d’information (PMSI), sous l’impulsion décisive du directeur des hôpitaux Jean de Kervasdoué. Afin de recenser le détail des actes de soins diagnostiques et thérapeutiques prodigués lors de chaque séjour
hospitalier, il a fallu créer un système d’information hospitalier (SIH) médicalisé connecté au système de gestion informatique, comptable et administrative de l’hôpital, dans le respect strict du secret médical. De
de nouveaux métiers médicaux et administratifs sont apparus et ont été regroupés dans les départements d’information médicale, les DIM. Il a fallu dix ans pour que l’hôpital, doté d’un véritable SIH, opère sa révolution culturelle lui permettant de mettre en œuvre la T2A dans des conditions satisfaisantes.

La T2A, instrument de régulation budgétaire ?

La T2A a permis le retour à l’hôpital public d’activités perdues avec la dotation globale, tout particulièrement en chirurgie et en gynécologie-obstétrique, une relance des investissements et une évolution du pilotage médico-économique de l’hôpital. Mais au fil du temps, le dispositif s’est complexifié, avec une multiplication des tarifs souvent inférieurs aux coûts réels des séjours, et une pression accentuée sur la productivité des établissements, avec une diminution constante du taux de progression de l’Ondam. Le rapport de juin 2023 de la Cour des comptes sur la T2A conclut à la nécessité de lui garder une part importante dans l’évolution du financement de l’hôpital.

Daniel Moinard, Directeur général honoraire de CHU. Ancien président de la Société française d’histoire des hôpitaux
Jean-Olivier Arnaud, ancien directeur général de CHU (Nîmes, Lille, Marseille) et président de la Société française d’histoire des hôpitaux

Jean de Kervasdoué. Directeur des hôpitaux au ministère de la Santé de 1981 à 1985, il a donné une impulsion décisive au projet de médicalisation du système d’information (PMSI).

 

1991

La loi hospitalière du 31 juillet modifie profondément celle du 31 décembre 1970 à laquelle elle se substitue. La carte sanitaire devient qualitative avec la création du schéma régional d’organisation sanitaire (SROS). Les établissements publics de santé remplacent dorénavant les établissements publics administratifs hospitaliers.

1992

Bernard Kouchner, ministre de la Santé du gouvernement de Pierre Bérégovoy, crée le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC).

1996

Le 24 avril, trois ordonnances portent une réforme globale du système de santé, le « plan Juppé ». La première a pour objectif une réorganisation de la sécurité sociale. La deuxième pose les bases d’un encadrement de la médecine libérale (maîtrise médicalisée des dépenses de soins). La troisième crée les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES).
VOIR CI-CONTRE « NAISSANCE DE LA QUALITÉ : UN PAS VERS LA DÉMOCRATISATION DES ÉTABLISSEMENTS »

1997

La loi du 24 janvier met en place la convention tripartite (soins/dépendance/hébergement) régissant le secteur des établissements recevant des personnes âgées. Le degré de dépendance est évalué à l’aide de la grille « AGGIR » (pour autonomie, gérontologie et groupes iso-ressources).

Naissance de la qualité : un pas vers la démocratisation des établissements

La création en 1996 de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES), devenue ultérieurement la Haute Autorité de santé (HAS) marque le début d’une approche officielle et obligatoire de la qualité. Des référentiels, des normes et des protocoles s’imposent progressivement dans toutes les activités de soins et dans le fonctionnement des établissements de santé (gestion des ressources humaines, circuit du médicament, gestion des déchets, respect des règles d’hygiène dans les locaux à risque, etc.).

Les établissements devront faire la preuve de la dynamique engagée en ce sens lors de la visite de l’équipe de l’ANAES, puis de la HAS. La recherche de garanties de qualité pour les patients est également à l’origine de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades (loi Kouchner). La démocratisation des établissements, très attendue par les patients et leurs associations, fait ainsi un pas de plus dans une démarche volontariste, souhaitée par les pouvoirs publics.

Jean-Olivier Arnaud, ancien directeur général de CHU (Nîmes, Lille, Marseille) et président de la Société française d’histoire des hôpitaux

Pierre Raynaud, président de la FHF (1980-1988)

 

1999

La loi du 9 juin vient garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs.

2001

La FHF lance une vaste réflexion sur l’avenir du système de santé en général et du système hospitalier en particulier afin de rédiger un ensemble de propositions concrètes à disposition des candidats aux élections présidentielle et législative de 2002. Ce projet, intitulé « projet stratégique de la FHF », est adopté par le CA de la FHF le 4 décembre 2001.

2002

La loi du 2 janvier rénovant l’action sociale et médico-sociale VOIR CI-CONTRE « SECTEURS SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL : ÉMERGENCE D’UN DROIT À LA PERSONNE » et celle du 4 mars relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé marquent une mutation forte des rapports de l’usager au service public hospitalier. VOIR PAGE SUIVANTE « LOI KOUCHNER : UN ACCÈS ÉGAL DE CHACUN AUX SOINS » Un décret du 4 janvier 2002 rend obligatoire l’application des 35 heures par semaine dans les hôpitaux. Cette réduction du temps de travail est « incontestablement à l’origine de difficultés organisationnelles et financières, don’t les hôpitaux peinent à se remettre plus de dix ans après », témoignera Frédéric Valletoux, président de la FHF à l’Assemblée nationale en 2014.

En novembre 2002, le Pr Jean-François Mattei, ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, lance le plan Hôpital 2007 : relance de l’investissement, simplification de la planification sanitaire et de la coopération entre établissements, tarification à l’activité, nouvelle gouvernance hospitalière. L’obligation de garde des médecins libéraux est abandonnée au profit de la permanence des soins ambulatoires (PDSA), reposant sur le volontariat individuel.

DIRECTION DE LA FHF

PRÉSIDENTS
Jean Minjoz 1957-1979
Pierre Raynaud 1980-1988
André Damien 1989-1997
Gérard Larcher 1997-2004
Claude Evin 2004-2009

DÉLÉGUÉS GÉNÉRAUX
Pierre Raynaud 1964-1980
Philippe Cadène 1980-1997
Gérard Vincent 1998-2015

Secteurs social et médico-social : émergence d’un droit à la personne

Les deux lois promulguées le 30 juin 1975 visent, d’une part, à améliorer la situation des personnes fragilisées en créant de nouveaux droits (prestations, établissements, dispositifs), d’autre part à mettre de l’ordre dans ce secteur. À partir de ces textes (loi hospitalière de 1970 et loi sociale de 1975), le sanitaire relève de la loi hospitalière et des commissions régionales hospitalières (CRH), le social de la loi sociale et de la commission régionale des institutions sociales et médico-sociales (CRISMS). La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a une portée plus large en donnant pour la première fois une définition des finalités de ce secteur ; elle repose sur deux principes : égale dignité de tous les êtres humains et accès équitable sur l’ensemble du territoire.

La loi se fixe ainsi trois objectifs : réaffirmer les droits de la personne, prévoir les outils garantissant leur effectivité (la contractualisation) et accroître les moyens de contrôle des pouvoirs publics. Elle prévoit ainsi des outils permettant de passer de l’intention à la concrétisation, tels que le livret d’accueil et le projet d’établissement, de même que deux instances : un médiateur/conciliateur et un conseil de la vie sociale. Enfin, elle accentue les pouvoirs de contrôle et moyens de pilotage de l’administration.

Source : Pierre Verdier « Les décrets d’application de la loi rénovant l’action sociale et médico-sociale », Journal du droit des jeunes, 2003/6, n° 226, p. 23-34.

Gérard Larcher, président de la FHF (1997-2004) et Gérard Vincent, délégué général de la FHF (1998-2015)

 

Claude Evin, président de la FHF (2004-2009)

2003

La FHF alerte sur la désertification soutenue du secteur psychiatrique. L’ordonnance de simplification du 4 septembre supprime la carte sanitaire, la planification est recentrée sur les SROS. Suite à la canicule de l’été 2023 le gouvernement lance un plan pour les urgences, depuis l’amont (premier recours aux soins) jusqu’à l’aval (à l’hôpital, en soins de suite ou à domicile).


2004

Mise en place de la T2A dans le cadre du plan Hôpital 2007.

 


2005

La certification remplace l’accréditation ; elle est confiée à la Haute Autorité de santé (HAS) qui se substitue à l’ANAES, avec un périmètre de mission nettement élargi. Créée par la loi du 13 août 2004, la HAS est instituée au 1er janvier 2005.

• Pierre Verdier, « Les décrets d’application de la loi rénovant l’action sociale et médico-sociale », Journal du droit des jeunes, 2003/6, n° 226, p. 23-34. • Fiche thématique du CISS n° 32, « Assurance maladie – Le forfait hospitalier », 2009. • J.-P. Galaire, J.-P. Claveranne, « 1983-2000. Le système hospitalier en réforme », ADSP, n° 33, décembre 2000. • La lettre d’information de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, n°2, octobre 2003. • Assemblée nationale, Commission d’enquête sur l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail, séance du jeudi 18 septembre 2014.

Loi Kouchner : un accès égal de chacun aux soins

La loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades présentée par Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé, est la première loi à consacrer le droit du patient à prendre des décisions sur sa santé et l’obligation des soignants de créer toutes les conditions pour éclairer ses décisions. Les principes de cette loi sont, essentiellement, l’accès égal de chacun aux soins ; l’absence de discrimination notamment dans la prévention ; le respect de la dignité de la personne malade, celui de sa vie privée et le secret des informations médicales ; la dispensation des soins les plus appropriés et le bénéfice des thérapeutiques à l’efficacité reconnue ; le droit au soulagement de la douleur et à l’accès à des soins palliatifs, le droit à l’information pour permettre au patient de consentir de façon éclairée aux traitements proposés, le libre accès à son dossier médical et un droit à être indemnisé d’un préjudice même en l’absence de faute médicale. La loi Kouchner institue la personne de confiance, désignée par le patient afin qu’elle puisse recevoir l’information nécessaire et être consultée si le malade n’est plus en état d’exprimer sa volonté. Cette personne de confiance peut aussi accompagner le patient qui le souhaite dans ses démarches et assister aux entretiens médicaux. Enfin, la loi de 2002 impose aux soignants d’assurer à leurs patients de pouvoir mourir dans la dignité. Cette disposition ouvre la voie aux évolutions législatives successives : la loi Leonetti du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, et la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, renforçant l’accès aux soins palliatifs. La loi Kouchner jette les fondements de la « démocratie sanitaire ».

Jacques Brunier Directeur d’hôpital honoraire, vice-président de la Société française d’histoire des hôpitaux et directeur-rédacteur en chef de sa revue

Bernard Kouchner en mai 2007. Ministre de la Santé en 2002, il donne son nom à la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades et la qualité du système de santé.